28 janvier 2005
1- Lamiral Leahy : ambassadeur des USA à Vichy
1- Lamiral Leahy : ambassadeur des USA à Vichy (1940-1942)
Lamiral William Daniel Leahy est né en 1875.
En 1915, il fait connaissance de Roosevelt et leur amitié durera plus de 40 ans.
Entre 1937 et 1939, il assume la direction des opérations navales au Pentagone.
En 1940, il atteint lâge de la retraite (65 ans).
En Janvier 1941, il est nommé par le président Roosevelt ambassadeur des USA à Vichy, auprès du Maréchal Pétain : il y restera jusquen Mai 1942. A partir de cette date, les USA ne seront plus représentés que par le conseiller dambassade Tuck qui restera en poste jusquen Novembre 1942, date du débarquement allié en Afrique du Nord.
En Juillet 1942, lamiral Leahy est nommé chef du cabinet militaire inter armes du président Roosevelt et il participe à la conférence de Yalta.
En Décembre 1944, il est nommé amiral de la Flotte.
Daniel Leahy prend sa retraite définitive en 1949 et meurt en 1959.
Cette courte biographie introduit la période allant de Juin1940 à Novembre 1942, durant laquelle lamiral Leahy et son adjoint Tuck joueront à Vichy le rôle dobservateur privilégié du régime du maréchal Pétain. La présence dun ambassadeur extraordinaire était en effet lourde de signification :
1- Le président américain envoie auprès du maréchal, non pas un diplomate banal, mais un proche et un fidèle qui tiendra à partir de juillet 1942 le poste clef de chef du cabinet militaire inter armes de Roosevelt à Washington.
2- Roosevelt joue à fond jusquen Mai 1942 et officiellement jusquen Novembre, la carte Pétain. Ladministration de Vichy comme les ambassades étrangères constatent que les Etats Unis gardent, durant cette période, leur confiance au vainqueur de Verdun. Rappelons en outre que les Allemands ont pourtant déclaré la guerre aux USA depuis Décembre 1941. Durant cette période paradoxale qui durera presque un an, les audiences hebdomadaires de lambassadeur américain à lHôtel du Parc sont étudiées à la loupe. Le stationnement de la voiture de lamiral Leahy, avec son fanion déployé, faisait fantasmer les Vichyssois, ladministration, les fonctionnaires, le corps diplomatique et la Gestapo. Les déclarations officielles et officieuses américaines étaient donc reçues comme parole dévangile. Dans un tel contexte on conçoit la perplexité des fonctionnaires français et même des Résistants, dont beaucoup calqueront leur comportement sur celui des Américains dont ils observent les réactions.
3- Concernant les déportations des Juifs, rappelons que la " solution finale " nest comprise ni par les Américains, ni par lambassade. Certes les USA vont critiquer les convois de déportés, mais le conseiller Tuck, qui remplace lamiral Leahy va élever une protestation officielle en août 1942, auprès des autorités françaises, contre le fait que lon sépare les enfants des parents. On conçoit la perplexité et le désarroi dune administration française, qui, même lorsquelle est favorable à la Résistance et désire aider les Juifs, constate la réaction américaine.
Ce qui paraît encore plus significatif dans les priorités américaines durant les années cruciales, 1941-1942, ce sont les lettres et directives échangées entre Daniel Leahy et le président Roosevelt. Nous possédons 22 échanges de correspondance qui se sont étalés du 25 Janvier 1941 au 3 Avril 1942.
- Juillet 1941 : " les Gaullistes déclarés que jai rencontrés, ne me paraissent posséder ni la stabilité ni lintelligence, ni limportance sociale dans leurs collectivités, qui seraient nécessaires pour leur assurer le succès ".
- Novembre 1941 : " les Allemands réclament au Maréchal des bases et la Flotte. Sil sobstine, ils menacent doccuper la France entière, de faire vivre larmée doccupation sur le pays et de laisser la population mourir de faim il paraît nécessaire de renoncer à insuffler une certaine énergie à un aboulique (le Maréchal) ".
Que pense Daniel Leahy de lamiral Darlan et du général de Gaulle ?
Sur Darlan : " Il essayait de marcher sur la corde raide entre les pouvoirs existants il avait compris que les USA lemporteraient sur Hitler et il passa de notre côté en un moment bien critique Cette évolution fut réduite à néant par la balle dun assassin ".
Sur de Gaulle : " Comme Laval et Darlan, il naspirait quau pouvoir. Je constatai quil était devenu lidole des soi-disant libéraux son mouvement paraissait ne causer que des ennuis aux Alliés ".
En Février 1942, le président Roosevelt sexprimait en ces termes auprès de son ambassadeur :
" Le Conseil interallié estime que le fait doccuper la place, comme vous le faites, est une mission militaire aussi importante que beaucoup dautres Notre présence en France et en Afrique du Nord contribue à sauvegarder la sécurité de la péninsule ibérique ".
De son côté Leahy écrit : " Pour les Résistants présents dans ladministration, mais pour les USA aussi, il sagit de tenir sur place, coûte que coûte, et dattendre le débarquement : "100 000 anciens soldats, résidants en zone non occupée nattendent quune occasion de se battre ". (Il sagit des troupes et matériels dissimulés et préparés par lORA en cas de débarquement en Provence).
Le 18 Avril, les évènements se précipitent : lamiral Darlan est écarté, Laval revient au pouvoir. Lamiral Leahy est rappelé à Washington pour consultation, mais son épouse décède le 21 Avril. Avant son départ, lamiral reçoit trois visites : celle de Herriot, celle de Laval, celle de Darlan, et il rencontre une dernière fois le Maréchal qui lassure de son amitié pour les USA.
De retour à Washington, il militera pour le maintien des relations diplomatiques avec Vichy et jugera avoir réussi trois missions majeures :
- la flotte française restait inaccessible à lAxe ;
- Hitler ne recevait aucune aide appréciable de le France non occupée ;
- Les bases de la côte africaine restaient sous contrôle français.
Roosevelt le félicitera le 20 Juillet 1942 en ces termes : " Mission bien exécutée ", et décidera le maintien dun chargé daffaires à Vichy, Pinckney Tuck, jusquen Novembre 1942.
Aucune trace ne subsiste, ni de la connaissance du génocide, ni dinterventions de lamiral Leahy, concernant les déportations des Juifs. Aucune information, aucune instruction nest donnée à son successeur Tuck sur un sujet considéré comme mineur. La politique américaine auprès des fonctionnaires de Vichy restera inchangée jusquau bout : " vous devez tenir et rester ". Cela nest pas facile à admettre, mais jusquen Décembre1942, Washington privilégie clairement le régime de Vichy par rapport à la France libre qui donnera dailleurs elle aussi les mêmes consignes de " maintien sur place " à ladministration de Vichy. Pour Daniel Leahy, lamiral Darlan apparaît comme lhomme politique français sur lequel les Etats Unis doivent sappuyer en priorité.
Attitude qui se perpétuera, car après le débarquement américain en Afrique du Nord, lamiral Leahy, devenu chef du cabinet militaire du président Roosevelt, pèsera de son influence pour que son homologue Darlan reste linterlocuteur privilégié de Washington.
Concernant les déportations raciales, certes elles sont connues, mais aucun responsable nimagine leur sinistre finalité. Quant à ladministration et aux fonctionnaires, la consigne que donne la Résistance à Londres, par la voix du colonel Tissier, est sans équivoque : rester à son poste. Chacun doit tenter de résister sur place dans la mesure de ses moyens avec comme objectif prioritaire : " gagner la guerre ".
© Hubert de Beaufort, Paris 2001
Lamiral William Daniel Leahy est né en 1875.
En 1915, il fait connaissance de Roosevelt et leur amitié durera plus de 40 ans.
Entre 1937 et 1939, il assume la direction des opérations navales au Pentagone.
En 1940, il atteint lâge de la retraite (65 ans).
En Janvier 1941, il est nommé par le président Roosevelt ambassadeur des USA à Vichy, auprès du Maréchal Pétain : il y restera jusquen Mai 1942. A partir de cette date, les USA ne seront plus représentés que par le conseiller dambassade Tuck qui restera en poste jusquen Novembre 1942, date du débarquement allié en Afrique du Nord.
En Juillet 1942, lamiral Leahy est nommé chef du cabinet militaire inter armes du président Roosevelt et il participe à la conférence de Yalta.
En Décembre 1944, il est nommé amiral de la Flotte.
Daniel Leahy prend sa retraite définitive en 1949 et meurt en 1959.
Cette courte biographie introduit la période allant de Juin1940 à Novembre 1942, durant laquelle lamiral Leahy et son adjoint Tuck joueront à Vichy le rôle dobservateur privilégié du régime du maréchal Pétain. La présence dun ambassadeur extraordinaire était en effet lourde de signification :
1- Le président américain envoie auprès du maréchal, non pas un diplomate banal, mais un proche et un fidèle qui tiendra à partir de juillet 1942 le poste clef de chef du cabinet militaire inter armes de Roosevelt à Washington.
2- Roosevelt joue à fond jusquen Mai 1942 et officiellement jusquen Novembre, la carte Pétain. Ladministration de Vichy comme les ambassades étrangères constatent que les Etats Unis gardent, durant cette période, leur confiance au vainqueur de Verdun. Rappelons en outre que les Allemands ont pourtant déclaré la guerre aux USA depuis Décembre 1941. Durant cette période paradoxale qui durera presque un an, les audiences hebdomadaires de lambassadeur américain à lHôtel du Parc sont étudiées à la loupe. Le stationnement de la voiture de lamiral Leahy, avec son fanion déployé, faisait fantasmer les Vichyssois, ladministration, les fonctionnaires, le corps diplomatique et la Gestapo. Les déclarations officielles et officieuses américaines étaient donc reçues comme parole dévangile. Dans un tel contexte on conçoit la perplexité des fonctionnaires français et même des Résistants, dont beaucoup calqueront leur comportement sur celui des Américains dont ils observent les réactions.
3- Concernant les déportations des Juifs, rappelons que la " solution finale " nest comprise ni par les Américains, ni par lambassade. Certes les USA vont critiquer les convois de déportés, mais le conseiller Tuck, qui remplace lamiral Leahy va élever une protestation officielle en août 1942, auprès des autorités françaises, contre le fait que lon sépare les enfants des parents. On conçoit la perplexité et le désarroi dune administration française, qui, même lorsquelle est favorable à la Résistance et désire aider les Juifs, constate la réaction américaine.
Ce qui paraît encore plus significatif dans les priorités américaines durant les années cruciales, 1941-1942, ce sont les lettres et directives échangées entre Daniel Leahy et le président Roosevelt. Nous possédons 22 échanges de correspondance qui se sont étalés du 25 Janvier 1941 au 3 Avril 1942.
- Juillet 1941 : " les Gaullistes déclarés que jai rencontrés, ne me paraissent posséder ni la stabilité ni lintelligence, ni limportance sociale dans leurs collectivités, qui seraient nécessaires pour leur assurer le succès ".
- Novembre 1941 : " les Allemands réclament au Maréchal des bases et la Flotte. Sil sobstine, ils menacent doccuper la France entière, de faire vivre larmée doccupation sur le pays et de laisser la population mourir de faim il paraît nécessaire de renoncer à insuffler une certaine énergie à un aboulique (le Maréchal) ".
Que pense Daniel Leahy de lamiral Darlan et du général de Gaulle ?
Sur Darlan : " Il essayait de marcher sur la corde raide entre les pouvoirs existants il avait compris que les USA lemporteraient sur Hitler et il passa de notre côté en un moment bien critique Cette évolution fut réduite à néant par la balle dun assassin ".
Sur de Gaulle : " Comme Laval et Darlan, il naspirait quau pouvoir. Je constatai quil était devenu lidole des soi-disant libéraux son mouvement paraissait ne causer que des ennuis aux Alliés ".
En Février 1942, le président Roosevelt sexprimait en ces termes auprès de son ambassadeur :
" Le Conseil interallié estime que le fait doccuper la place, comme vous le faites, est une mission militaire aussi importante que beaucoup dautres Notre présence en France et en Afrique du Nord contribue à sauvegarder la sécurité de la péninsule ibérique ".
De son côté Leahy écrit : " Pour les Résistants présents dans ladministration, mais pour les USA aussi, il sagit de tenir sur place, coûte que coûte, et dattendre le débarquement : "100 000 anciens soldats, résidants en zone non occupée nattendent quune occasion de se battre ". (Il sagit des troupes et matériels dissimulés et préparés par lORA en cas de débarquement en Provence).
Le 18 Avril, les évènements se précipitent : lamiral Darlan est écarté, Laval revient au pouvoir. Lamiral Leahy est rappelé à Washington pour consultation, mais son épouse décède le 21 Avril. Avant son départ, lamiral reçoit trois visites : celle de Herriot, celle de Laval, celle de Darlan, et il rencontre une dernière fois le Maréchal qui lassure de son amitié pour les USA.
De retour à Washington, il militera pour le maintien des relations diplomatiques avec Vichy et jugera avoir réussi trois missions majeures :
- la flotte française restait inaccessible à lAxe ;
- Hitler ne recevait aucune aide appréciable de le France non occupée ;
- Les bases de la côte africaine restaient sous contrôle français.
Roosevelt le félicitera le 20 Juillet 1942 en ces termes : " Mission bien exécutée ", et décidera le maintien dun chargé daffaires à Vichy, Pinckney Tuck, jusquen Novembre 1942.
Aucune trace ne subsiste, ni de la connaissance du génocide, ni dinterventions de lamiral Leahy, concernant les déportations des Juifs. Aucune information, aucune instruction nest donnée à son successeur Tuck sur un sujet considéré comme mineur. La politique américaine auprès des fonctionnaires de Vichy restera inchangée jusquau bout : " vous devez tenir et rester ". Cela nest pas facile à admettre, mais jusquen Décembre1942, Washington privilégie clairement le régime de Vichy par rapport à la France libre qui donnera dailleurs elle aussi les mêmes consignes de " maintien sur place " à ladministration de Vichy. Pour Daniel Leahy, lamiral Darlan apparaît comme lhomme politique français sur lequel les Etats Unis doivent sappuyer en priorité.
Attitude qui se perpétuera, car après le débarquement américain en Afrique du Nord, lamiral Leahy, devenu chef du cabinet militaire du président Roosevelt, pèsera de son influence pour que son homologue Darlan reste linterlocuteur privilégié de Washington.
Concernant les déportations raciales, certes elles sont connues, mais aucun responsable nimagine leur sinistre finalité. Quant à ladministration et aux fonctionnaires, la consigne que donne la Résistance à Londres, par la voix du colonel Tissier, est sans équivoque : rester à son poste. Chacun doit tenter de résister sur place dans la mesure de ses moyens avec comme objectif prioritaire : " gagner la guerre ".
© Hubert de Beaufort, Paris 2001